Il y a quelques mois à peine, je consacrais toute mon énergie à faire grandir un business autour de l'IA.
Mais un constat s'imposait :
Le marché est saturé. Tout le monde parle d'IA. Tout le monde se prétend expert IA. Il y a des consultants IA à tous les coins de rue.
Et franchement, ça crée un effet surcharge qui dégoûte un peu tout le monde.
Alors, je me suis demandé :
À quel moment l'IA est devenu LE truc ?
Il y a 10 ans, quand quelqu'un parlait d'IA, ça faisait "truc de SF" et le type qui parlait d'IA passait limite pour un illuminé.
De fil en aiguille, une pensée s'est imposées :
Quelles sont les technos ou innovations émergentes aujourd'hui, et qui dans 5-10 ans auront pris une ampleur similaire à celle de l'IA ?
Comment la méditation m'a jeté dans le rabbit hole des BCIs
J'ai commencé à instaurer une pratique méditative cet été, après une discussion avec un ami qui m'a convaincu que ça pourrait m'être bénéfique.
Au départ, je méditais simplement avec une app.
Puis j'ai utilisé mon bracelet WHOOP pour mesurer mon rythme cardiaque.
Pour mon anniversaire, une amie m'a offert le Muse S Athena... et cette première expérience avec un BCI était bluffante : j'avais désormais à portée de main un océan de data plus précises pour monitorer mon propre cerveau !
Curieux, j'ai alors regardé une conférence Neuralink que l'IA m'avait recommandé... et je suis presque tombé de ma chaise en voyant toutes les avancées récentes.
Sauf que la conférence datait de 2022 (merci l'IA pour la reco obsolète) ! Inutile de te dire que la version 2025 était encore plus impressionnante.
Je me suis rendu compte à quel point on avait progressé discrètement dans la compréhension globale du cerveau humain - et des usages appliqués que cela pouvait impliquer pour les décennies à venir.
Mais ne montons pas sur nos grands chevaux !
Science-fiction vs Réalité
La littérature, les films et les promesses de la SF sont riches en cas d'usage lorsqu'il s'agit d'imaginer tout ce qui touche au cerveau et à son fonctionnement.
Si l'on se fie à Michio Kaku, le Tech Optimist à l'origine du livre The Future Of The Mind, de nombreux concepts très "SF" trouvent déjà leurs premiers cas d'usage dans la réalité.
| SF | Réalité |
|---|---|
| Vivre éternellement dans une santé parfaite | Réparer les connexions défaillantes entre les neurones (santé mentale) et transmettre les signaux de notre cerveau à nos membres (santé physique) |
| Contrôler des robots à distance (Avatar) | Mapper les connexions neuronales responsables de nos mouvements précis et les retranscrire à un corps robotique |
| Télépathie, contrôler les objets par la pensée | Faire correspondre certains patterns d'activation neuronale à une action dans la réalité |
| Insérer et modifier des souvenirs (Matrix, Total Recall) | Implanter des patterns de réponses à certains stimuli de notre cerveau |
La recherche et les innovations récentes permettent en effet déjà bon nombre de cas d'usage expérimentaux sur des animaux et même sur des humains.
On peut trouver de très bons exemples en regardant la conférence Neuralink 2025, dont voici les grandes lignes.
L'État de l'art des BCIs invasifs
Il y a 7 participants qui ont reçu l'implant Neuralink (qu'on dit "invasif" car c'est un implant et qui nécessite de fait une intervention chirurgicale).
Ces personnes utilisent en moyenne leur implant 50h+ par semaine ce qui équivaut à une journée standard de travail - ce n'est pas juste un gadget ! Il a trouvé une vraie place dans leur vie quotidienne.
Parmi ces personnes, 3 sont blessées à la colonne vertébrale et 2 présentent des dommages neurologiques.
Ce qu'on peut les voir faire dans la démo :
- Jouer à des jeux de tir
- Jouer à Mario Kart sans les mains
- Écrire, dessiner en contrôlant un bras robotique
- Travailler et contrôler leur ordinateur par la pensée
- Jouer à pierre-feuille-ciseau avec une interface qui traduit leur pensée
Ce n'est qu'un début, mais dans les 3 ans à venir, Neuralink visent :
- Un implant dans le cortex du langage pour décoder les mots que l'utilisateur veut former en esprit.
- Tripler le nombre d'électrodes, ce qui permettra de pousser les cas d'usage. Par exemple permettre à des personnes aveugles de s'orienter efficacement grâce à leur implant).
- Tripler (encore) le nombre d'électrodes par la suite, ce qui permettrait l'utilisation de plusieurs implants en simultané.
- Couvrir l'ensemble du cerveau avec plusieurs implants et s'intégrer avec l'IA.
S'il est impossible de prédire l'atteinte ou non de ces objectifs - et mettant de côté les questionnements éthiques - la promesse reste belle.
À ce stade, penchons-nous un peu sur le fonctionnement des BCIs, pour mieux en cerner les freins et limitations.
Deep-dive dans notre cerveau
Dans notre cerveau, il y a des neurones. Tout ce que nous pensons, faisons et les expériences que nous vivons au quotidien sont... le résultat de ces neurones qui échangent des signaux électriques.
Les BCIs captent ces signaux électriques et les mesurent. Et certaines peuvent également envoyer en retour des signaux électriques.
Il y a deux grandes distinctions à retenir :
- Une BCI peut être unidirectionnelle (lecture OU écriture) ou bidirectionnelle (lecture ET écriture).
- Une BCI peut être invasive (avec implant) ou non-invasive (principalement sous la forme d'un casque ou d'un objet qui se porte).
Muse S Athena est non-invasive et bidirectionnelle (via feedback audio).
Neuralink est par exemple invasive et bidirectionnelle.
Ok, mais comment on passe de "capter des signaux électriques" à par exemple, faire bouger un curseur de souris ?
Tout d'abord, la BCI doit apprendre ce à quoi un pattern d'activation neuronale.
Par exemple (très simplifié) :
Lorsque l'utilisateur pense à faire bouger le curseur à droite, une zone spécifique du cortex moteur s'active. Une fois cet apprentissage effectué, lorsque cette zone spécifique s'activera, la BCI saura qu'il faut déplacer le curseur sur la droite.
De la même manière, si l'on connaît le pattern d'activation neuronal pour "lever la jambe droite", il suffit d'envoyer un stimulus électrique dans la jambe droite lorsque ce pattern est détecté - mimiquant le flux élecrique qui passerait normalement par la colonne vertébrale (si celle-ci est endommagée).
Tu t'en doutes, la réalité est extrêmement complexe...
Et voici pourquoi.
Les 3 Challenges des BCIs
Bon, l'exemple que j'ai donné ci-dessus était évidemment très simplifié. En réalité, pour capter tous ces signaux électriques, il faut BEAUCOUP de capteurs.
Performance
Pour te donner une idée, Neuralink ont actuellement 1000 électrodes et veulent tripler deux fois, pour arriver à 9000 dans quelques années.
L'implantation est effectuée par un robot à précision chirurgicale. Mais 9x plus d'électrodes, c'est 9x plus de complexité ! Il faut aussi réussir à rétrécir la taille de celles-ci (qui sont déjà plus fines qu'un cheveu).
Il faut également s'assurer que l'implant a suffisamment de batterie pour tenir la journée - il se recharge actuellement via induction Bluetooth.
Concernant les BCI non-invasifs, le contraste est flagrant :
La Muse S Athena comporte 4 électrodes...
La Neurosity Crown qui est déjà un produit de luxe grand public et comporte uniquement 8 électrodes, soit 125x moins qu'un implant invasif.
La précision, la qualité et la quantité des signaux électriques sont donc considérablement plus basses.
Il faudra très certainement plusieurs années à Neuralink pour affiner leurs cas d'usage prototypique, et davantage encore pour voir ce type de produits débarquer sur le marché grand public...
Avec toutes les problématiques que cela implique.
Protection des données et couverture sociale
C'est un sujet "à la mode" aujourd'hui mais une question qui mérite d'être posée.
Qui possède les données sur notre cerveau - qui sont indispensable au bon fonctionnement de cette technologie ?
La protection des données personnelles sont aujourd'hui au coeur du débat public, mais les données de santé sont largement plus sensibles et occasionneront de réels dilemnes éthiques.
Est-ce que les assurances y auront accès ? Seront-elles anonymisées ? Comment garantir que ces données ne sont pas conservées ?
Et à propos d'assurance :
Pour les personnes qui dépendent de leur implant, qui va payer les frais chirurgicaux ?
Et les frais de maintenance, de remplacement ?
Que se passe-t-il si le fournisseur de l'implant ferme ses portes ? Si une déficience de l'implant entraîne un accident ?
Autant de questions auxquelles nos machines juridiques ne sont pas prêtes à répondre à l'heure actuelles.
Et ces problématiques pourraient se poser plus vite que prévu car...
L'IA est le "Joker" qui pourrait tout changer
Le développement rapide de l'IA peut offrir plusieurs manières d'accélérer grandement la vitesse de démocratisation des BCIs.
Et ce à trois échelles :
- L'analyse des patterns neuronaux : pour les BCIs invasifs, l'IA et plus précisément le Machine Learning est susceptible de diminuer drastiquement la quantité de données d'entraînements nécessaire à la reconnaissance des patterns neuronaux. Ce qui nous rapprocherait rapidement de cas d'usage grand public.
- La qualité du signal : pour les BCIs non-invasifs, l'IA pourrait permettre de compenser une qualité de signal moindre, grâce à des capacités de prédiction supérieures. C'est le même principe que la capacité (humaine ou IA) à reconnaître un chien à partir d'une photo tronquée !
- IA et robotique : d'après la loi de Moore, la densité des composants électroniques double tous les 18 mois. Si cette loi continue d'être avérée, on va rapidement être capables d'optimiser la taille des implants et des électrodes, mais aussi progresser côté robotique - ce qui débloquera des cas d'usage médicaux non seulement lors de l'implantation, mais aussi via des membres robotiques bien plus efficaces.
En prenant en compte tous ces éléments...
Que peut-on faire des BCIs à l'heure actuelle ?
Il faudra attendre plusieurs années (sans doute une décennie à minima) pour bénéficier de BCIs invasifs qui changent réellement la donne.
La techno est prometteuse :
Il s'agit fondamentalement de ne plus être limités par notre capacité physique (parole, taper au clavier...) et d'exploiter à 100% nos capacités cognitives.
Alors oui, ça sonne un peu comme la Hustle Culture...
Mais comme tout territoire inexploré, ça me fait un peu rêver !
Aujourd'hui, je pense que le grand public devrait se focaliser sur l'utilisation des BCIs non-invasives.
Mais pas comme outil de productivité...
Comme outil de mesure !
En quelque sorte, j'ai envie de "hacker" l'utilisation prescrite.
Plutôt que d'utiliser Muse ou Neurosity pour être plus productif, je veux utiliser ces mesures pour découvrir si telle ou telle pratique est efficace pour induire tel ou tel état mental.
Alors oui, c'est moins précis qu'un implant invasif.
Mais ça reste beaucoup plus précis que WHOOP, Oura Ring ou je ne sais quel appareil basé principalement sur le rythme cardiaque.
C'est cette exploration que je compte documenter dans une future newsletter.
Si elle est concluante, j'envisagerai d'investir davantage de temps sur les BCIs non-invasifs, sinon je passerai à autre chose.
Avant de me plonger dans les BCIs, j'avais constitué une liste de trends d'innovation à surveiller.
C'est sans doute là que j'irai piocher pour mes futures exploration.
Tu peux la retrouver ici :
Au plaisir d'en discuter !