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6 min de lecture

[Fondations] Contrer le Sophisme en 2025

De mars à septembre 2025, j'ai fait 6 mois de marketing intensif autour de mon programme Orchestrateurs IA.

Et ça m'a dégoûté du marketing moderne.

Intensif, ça veut dire chaque jour :

Mais aussi...

800€ de budget publicitaire par mois. Une nouvelle offre toutes les deux semaines. Des discussions et des relances interminables avec des prospects.

Une grosse partie du contenu était rédigé par l'IA, c'était une usine à gaz bien ficelée et fortement influencée par la Hustle Culture.

Ça a bien marché : j'ai atteint les 2000€ de revenu mensuel et ce chiffre montait petit à petit.

Et puis, je me suis posé une question très simple :

Est-ce que j'aurais envie d'acheter ce que je vends ? De lire mes propres mails ou contenus ?

La réponse était... plutôt non.

C'est la raison pour laquelle j'ai tout arrêté (et lancé cette newsletter). J'en avais marre du...

Marketing digital moderne

Car tout y est fallacieux. On pratique l'écoute active face à notre prospect, non pas par intérêt réel pour ce qu'il raconte, mais pour lui vendre un produit.

En réalité, cela se rapproche beaucoup du sophisme - qui remonte donc à l'Antiquité :

Un procédé rhétorique qui par le biais d'un raisonnement fallacieux en apparence rigoureux, atteint une conclusion (vraie ou pas) logiquement invalide.

Mais si tous les livres de marketing digital moderne expliquent comment user de tactiques pour persuader le prospect que notre produit est bon pour lui...

Quelle est la bonne approche pour convaincre le prospect de passer à l'action ?

Eh bien, j'ai décidé d'enfiler ma casquette de cartographe et de relier les points moi-même.

Je suis allé chercher des briques de connaissances fondationnelles, qui remontent elles aussi à l'Antiquité. Je suis allé à la source : la Rhétorique d'Aristote - qui s'oppose vivement au sophisme de l'époque.

J'y ai découvert de nombreux insights... mais aussi des réponses à des questions que je ne pensais pas me poser.

Pourquoi écrit-on ?

Un prospect qui achète, c'est une personne qui est convaincue que notre produit va le rapprocher du bonheur... ou l'éloigner du malheur.

Alors, avant d'apprendre à vendre, il paraît essentiel d'apprendre à persuader.

Sortons donc un instant de l'objectif évoqué au départ, à savoir le discours comme outil de vente.

Car la vente est une conséquence du discours et non pas une fin en soi !

Pour persuader sans avoir recours à un raisonnement fallacieux, il faut passer par un discours démonstratif à la logique irréprochable.

À mon sens, c'est l'un des objectifs majeurs de l'écriture : démontrer X ou Y, afin de rapprocher le lecteur du bonheur.

Une page de vente n'est rien de plus qu'une démonstration - MON produit va TE rapprocher du bonheur !

La démarche "Marketing" traditionnelle serait de partir d'un objectif :

"Je veux vendre mon produit. Trouvons des arguments pour que l'achat du produit soit évident pour le prospect."

Une démarche rhétorique plus saine serait de dire :

"Réfléchissons. Est-ce que mon produit est bon pour le prospect ? Quels sont les arguments pour et contre ? Si oui, comment puis-je le prouver ? Sinon, comment puis-je l'améliorer ?"

Ce qu'Aristote nous a transmis

J'ai fini le livre 1 de la Rhétorique d'Aristote il y a quelques jours. Voici les principaux concepts que j'ai retenu et qui t'aideront à mieux écrire et par extension à mieux vendre.

Qu'est-ce que la rhétorique ?

La rhétorique, c'est la recherche de la vérité par le discours.

Un bon rhétoricien doit savoir une position et son contraire, car envisager les deux points de vue est essentiel pour atteindre la vérité sans succomber à ses biais.

La rhétorique s'appuie sur trois types de discours pour convaincre :

  1. Ethos : le caractère du rhétoricien, car l'humain a naturellement tendance à faire confiance à celle ou celui qu'il juge vertueux. Seule la réputation du rhétoricien auprès des gens vertueux compte réellement, car personne n'a confiance en une personne encensée par des gens de petite vertu.
  2. Pathos : l'art de susciter des émotions chez l'auditeur, car les émotions cimentent les souvenirs et mettent également les personnes dans la bonne disposition d'esprit pour être sensible à notre discours.
  3. Logos : l'art de structurer un discours et de présenter ses arguments avec logique, afin de démontrer la vérité sous-jacente.

Comment démontre-t-on quelque chose ?

Pour démontrer, on peut s'appuyer sur trois outils :

  1. Les vraissemblances : les éléments probables, vraissemblables, que l'auditeur va tacitement admettre comme vrais.
  2. Les indices : les preuves par relation de cause à effet à sens unique - elles sont solides, mais réfutables. Dans l'exemple "Il pleut en Bretagne donc les gens ont un parapluie.", on peut opposer que tout le monde en Bretagne n'a pas un parapluie. Et l'inverse est faux (il ne pleut pas parce que les gens ont un parapluie).
  3. Les tekmerions : les preuves irréfutables qui fonctionnent dans les deux sens. Par exemple, si je dis "Lorsque l'eau atteint 100°C, elle devient bouillante." c'est totalement irréfutable. Et réversible car si l'eau est bouillante, elle est à 100°C minimum.

Cela fonctionne car les vraissemblances sont nécessaires par abstraction et pour rendre toute démonstration digeste - et parce que l'humain a naturellement tendance à croire vraies les choses qui le sont.

Les indices fonctionnent, car tout le monde peut convenir d'une relation logique entre X et Y.

Et pour finir, les tekmerions sont par nature irréfutables.

L'ensemble de ces éléments combinés forgent un discours solide.

Préparation d'un discours

Lors de la préparation d'un discours, il faut rassembler nos vraissemblances, indices et tekmerions et pour ce faire, on peut les catégoriser en deux sortes :

  1. Espèces : les éléments spécifiques à l'affaire en cours.
  2. Lieux : les éléments meta et non-spécifiques à l'affaire en cours.

Il est donc utile de non seulement développer de solides modèles mentaux, mais aussi d'effectuer des recherches solides sur notre affaire.

Les lieux sont essentiels car ils seront réutilisés d'une démonstration à l'autre.

Les espèces le sont également, car sans recherche préalable il nous sera impossible démontrer, ni d'envisager le point de vue opposé (ce qui fait partie de l'art rhétorique, comme vu précédemment).

Objectif du discours démonstratif

L'objectif macro du discours démonstratif est de démontrer ce qui est bon ou mauvais afin d'amener l'audience plus proche du bonheur, ou de l'éloigner du malheur.

Les gens s'intéressent au développement personnel pour cette raison précise. Les livres business rapprochent le lecteur de la richesse et donc du bonheur. Les livres de psychologie sur les traumatismes éloignent le lecteur du malheur.

Il est essentiel pour le rhétoricien de définir son fil rouge : clarifier auprès de l'auditeur le "bien" qu'il va lui apporter.

Sans cela, pourquoi serait-il entendu ?

Concernant l'angle du discours :

Les hommes passent à l'action pour les sept raisons suivantes :

  1. Chance
  2. Nature
  3. Contrainte
  4. Habitude
  5. Réflexion
  6. Colère
  7. Désir

À partir de ces sept raisons, on peut identifier sept angles majeurs pour que notre discours ait un impact profond sur le lecteur :

  1. Laisser faire la sérendipité
  2. Ramener à ce qui lui est naturel
  3. Donner des raisons d'agir
  4. Créer une habitude de lecture
  5. Faire réfléchir
  6. Répondre aux frustrations
  7. Susciter le désir

Tu peux appliquer tout cela lorsque tu écris, que ce soit une newsletter, un livre, un e-mail ou toute autre forme de discours démonstratif.

Pour appliquer ces concepts, je me suis créé un template de préparation pour mes newsletters, avec des prompting questions qui m'aident à organiser mes pensées.

Il s'applique très bien à toute forme de discours.